Original Text of Letter Written by Dr. Theodore Herzl
to Monsieur Youssuf Zia Al-Khalidi,
Constantinople, Pera, Khedivial Hotel
[English follows]
Wien-Währing
Carl Ludwigstrasse 50
19 mars 1899
Excellence,
Je dois à la bienveillance de M. Zadok Kahn le plaisir d'avoir lu la lettre que vous lui avez adressée. Laissez-moi vous dire tout d'abord que les sentiments d'amitié que vous exprimez pour le peuple juif m'inspirent la plus vive reconnaissance. Les Juifs étaient, sont et seront les meilleurs amis de la Turquie depuis le jour où le sultan Sélim a ouvert son empire aux Juifs persécutés de l'Espagne.
Et cette amitié ne consiste pas seulement en paroles, elle est toute prête à se transformer en actes et à venir en aide aux musulmans.
L'idée sioniste, dont je suis l'humble serviteur, n'a aucune tendance hostile au Gouvernement ottoman; mais bien au contraire, il s'agit dans ce mouvement d'ouvrir de nouvelles ressources à l'Empire ottoman. En faisant immigrer une quantité de Juifs apportant leur intelligence, leur esprit financier et leurs moyens d'entreprise au pays, il ne peut faire de doute pour personne que le bien-être du pays tout entier en serait l'heureuse conséquence. C'est ce qu'il faut comprendre et faire comprendre à tout le monde. L'idée sioniste, dont je suis l'humble serviteur, n'a aucune tendance hostile au Gouvernement ottoman; mais bien au contraire, il s'agit dans ce mouvement d'ouvrir de nouvelles ressources à l'Empire ottoman. En faisant immigrer une quantité de Juifs apportant leur intelligence, leur esprit financier et leurs moyens d'entreprise au pays, il ne peut faire de doute pour personne que le bien-être du pays tout entier en serait l'heureuse conséquence. C'est ce qu'il faut comprendre et faire comprendre à tout le monde.
Comme Votre Excellence le dit très bien dans sa lettre au grand rabbin, les Juifs n'ont aucune Puissance belligérante derrière eux-mêmes. C'est un élément complètement pacifique et très content si on lui laisse la paix. Donc il n'y a absolument rien à craindre de leur immigration.
La question des lieux saints?
Mais personne ne songe à y toucher jamais. Comme je l'ai dit et écrit maintes fois: ces lieux ont perdu à tout jamais la faculté d'appartenir exclusivement à une confession, à une race ou à un peuple. Les lieux saints sont et resteront saints pour tout le monde, pour les musulmans comme pour les chrétiens, comme pour les Juifs. La paix universelle que tous les gens de bien souhaitent ardemment aura son symbole dans une entente fraternelle sur les lieux saints.
Vous voyez une autre difficulté, Excellence, dans l'existence de la population non juive en Palestine. Mans qui donc songerait à les éloigner? C'est leur bien-être, leur richesse individuelle que nous augmenterions en apportant la nôtre. Croyez-vous qu'un Arabe qui possède en Palestine une terre ou une maison valant trois ou quatre mille francs sera très fâché de voir hausser en peu de temps le prix de son terrain, d'en voir quintupler et décupler la valeur peut-être en quelques mois? Et pourtant cela arriverait nécessairement avec l'arrivée des Juifs. C'est ce qu'il faudra faire comprendre aux indigènes et qu'ils gagneront d'excellents frères - comme le sultan gagnera de fidèles et bons sujets qui rendront florissante cette province, leur patrie historique.
Quand on regarde les choses sous cet aspect qui est le vrai, on doit être l'ami du sionisme lorsqu'on est l'ami de la Turquie.
J'espère, Excellence, que ces quelques explications auront suffi pour vous donner un peu plus de sympathie pour notre mouvement.
Vous dites à M. Zadok Kahn que les Juifs feraient mieux de se tourner d'un autre côté. Cela pourrait bien arriver le jour où nous nous rendrons compte que la Turquie ne veut pas comprendre les avantages énormes que lui offre notre mouvement. Nous nous sommes expliqués publiquement, sincèrement et loyalement, sur notre but. J'ai fait soumettre à S. M. le Sultan des propositions générales, et je me plais à croire que la haute lucidité de son esprit lui fera accepter en principe l'idée dont on pourra ensuite discuter les détails d'exécution. S'il n'acceptera pas, nous chercherons et, croyez-moi, nous trouverons ailleurs ce qu'il nous faut.
Mais alors la dernière chance qu'aura eue la Turquie de régler ses finances, de recouvrer une vigueur économique, sera perdue pour toujours.
C'est un ami sincère des Turcs qui vous dit aujourd'hui ces choses-là. Souvenez-vous-en !
Et recevez, Excellence, l'assurance de ma considération très distinguée.
(Signé) Dr. Theodore HERZL
Unofficial translation of
Letter from Dr. Theodore Herzl to
M. Youssuf Zia Al-Khalidi
Wien-Währing
Carl Ludwigstrasse 50
19 March 1899
Excellency,
I owe to Mr. Zadok Kahn's kindness the pleasure of having read the letter which you addressed to him. Let me tell you first of all that the feelings of friendship which you express for the Jewish people inspire in me the deepest appreciation. The Jews have been, are, and will be the best friends of Turkey since the day when Sultan Selim opened his Empire to the persecuted Jews of Spain.
And this friendship consists not only of words – it is ready to be transferred into acts and to aid the Moslems.
The Zionist idea, of which I am the humble servant, has no hostile tendency toward the Ottoman Government, but quite to the contrary this movement is concerned with opening up new resources for the Ottoman Empire. In allowing immigration to a number of Jews bringing their intelligence, their financial acumen and their means of enterprise to the country, no one can doubt that the well-being of the entire country would be the happy result. It is necessary to understand this, and make it known to everybody.
As Your Excellency said very well in your letter to the Grand Rabbi, the Jews have no belligerent Power behind them, neither are they themselves of a warlike nature. They are a completely peaceful element, and very content if they are left in peace. Therefore, there is absolutely nothing to fear from their immigration.
The question of the Holy Places?
But no one thinks of ever touching those. As I have said and written many times: These places have lost forever the faculty of belonging exclusively to one faith, to one race or to one people. The Holy Places are and will remain holy for all the world, for the Moslems as for the Christians as for the Jews. The universal peace which all men of good will ardently hope for will have its symbol in a brotherly union in the Holy Places.
You see another difficulty, Excellency, in the existence of the non-Jewish population in Palestine. But who would think of sending them away? It is their well-being, their individual wealth which we will increase by bringing in our own. Do you think that an Arab who owns land or a house in Palestine worth three or four thousand francs will be very angry to see the price of his land rise in a short time, to see it rise five and ten times in value perhaps in a few months? Moreover, that will necessarily happen with the arrival of the Jews. That is what the indigenous population must realize, that they will gain excellent brothers as the Sultan will gain faithful and good subjects who will make this province flourish – this province which is their historic homeland.
When one looks at the situation in this light, which is the true one, one must be the friend of Zionism when one is the friend of Turkey.
I hope, Excellency, that these few explanations will suffice to give you a little more sympathy for our movement.
You tell Mr. Zadok Kahn that the Jews would do better to go somewhere else. That may well happen the day we realize that Turkey does not understand the enormous advantages which our movement offers it. We have explained our aim publicly, sincerely and loyally. I have had submitted to His Majesty the Sultan some general propositions, and I am pleased to believe that the extreme clearness of his mind will make him accept in principle the idea of which one can afterwards discuss the details of execution. If he will not accept it, we will search and, believe me, we will find elsewhere what we need.
But then Turkey will have lost its last chance to regulate its finances and to recover its economic vigour.
It is a sincere friend of the Turks who tells you these things today. Remember that!
And accept, Excellency, the assurance of my very high consideration.
(Signed) Dr. Theodore HERZL
Source: Khalidi, Walid, ed. From Haven to Conquest: Readings in Zionism and the Palestine Problem Until 1948. 2d ed. Washington, DC: Institute for Palestine Studies, 1987.